Portrait : un podcast consacré à Patrick Verbeke (1re partie)

En 2025, Mike Lécuyer vous propose une toute nouvelle émission sur Blues Actu Radio. « Portrait » passe en revue la biographie, en musique, d’un bluesman français ou international. Le deuxième numéro est consacré au musicien français Patrick Verbeke. Découvrez notre dossier complet et le podcast en 2 parties.

Ecoutez le podcast

Patrick Verbeke est un musicien français de blues, guitariste-chanteur, animateur de radio et producteur, né le 13 avril 1949 à Caen en Normandie et décédé le 22 août 2021 à Montrouge, en banlieue parisienne, à l’âge de 72 ans. C’est l’un des quatre mousquetaires du blues en français, avec Benoît Blue Boy, Bill Deraime et Paul Personne, qui ont popularisé cette musique auprès du grand public depuis le début des années 80.

Les débuts musicaux

Comme beaucoup d’enfants du baby-boom, Patrick Verbeke découvre la musique à travers le rock ‘n’ roll et les groupes de « twist ». Après avoir assisté à un concert du bluesman Memphis Slim à Caen, il se met à la batterie puis, très vite, passe à la guitare et commence à jouer dans différents groupes tels que Les Tombstones, L’Indescriptible Chaos Rampant, Alan Jack Civilization, Tribu, Hydravion, Magnum (un super groupe à la française), Rockin’ Chair, et enfin Bistrock (avec son compère bassiste Jacky Chalard), qui adapte Dire Straits et J.J. Cale en français. Tout cela ne l’empêche pas d’obtenir sa licence d’anglais.

Les premières collaborations

Au fil de sa carrière, il collabore avec de nombreux artistes et groupes comme Lynda Keel, Johnny Hallyday, Vince Taylor, Yves Montand, David McNeil et Valérie Lagrange, ainsi qu’avec des bluesmen américains de passage en France. Il commence à enregistrer son 1er album BLUES IN MY SOUL en 1980, pendant les séances du dernier disque de Vince Taylor. Le label Underdog lui permet ensuite de terminer le disque, qui paraît en 1981. Parmi les musiciens, on peut citer Guillaume Petite et Jean-Yves D’Angelo au piano, Benoît Blue Boy à l’harmonica, Christophe Deschamps à la batterie, et bien d’autres…

Les années 80 : entre disques et concerts

Après ce premier succès d’estime, Verbeke publie Tais-toi et rame en 1982. Il préfère Athis-Mons Blues, mais c’est l’adaptation de l’anglais Keith Forsey Descends de ta planète que la maison de disques va promouvoir, malgré un mixage approximatif et une choriste à la voix soul…ante ! Mais ce titre lui permet d’être invité sur plusieurs radios et télés…

Pour BEC VERT, son 3e disque, Benoît Blue Boy participe à la réalisation. La tendance, en 1984, est au mini-album de 6 ou 7 titres comme celui de Paul Personne. Malheureusement, aucune chanson n’accroche les médias, et le label met la clé sous la porte ! Sur un titre, Patrick rend hommage à Muddy Waters, qui vient de mourir…

Le tournant des années 90

La fin des années 80 se passe sans nouveau disque, mais avec Claude Langlois et Pascal Mikaelian (futur duo qui s’appellera… The Duo !), ils écument les bars et petits festivals. À l’occasion d’un remplacement, Patrick Verbeke se retrouve à commenter, guitare à la main, une expo sur le blues destinée aux enfants. C’est le déclic, et il va concevoir son propre spectacle, qui débouchera ensuite sur le disque School Boy Blues / Balade au pays du Mississippi en 1990, avec aux guitares Luther Allison, son fils Bernard et Paul Personne, à l’harmonica Benoît Blue Boy et Pascal Mikaelian, et au piano Guillaume Petite…

À l’occasion du Beale Street Blues Festival de Memphis en 1990, Patrick donne deux concerts, jamme avec de nombreux musiciens et commence à composer de nouveaux titres. Avec, en invités de marque, Bill Deraime (en duo) sur Hey Bill et Luther Allison sur Emily, Blues & Ladies paraît en 1992.

Le morceau De quoi j’vais m’plaindre reçoit un bon accueil radio, et Europe 1, en la personne de Patrice Blanc-Francard, lui propose, fin 1993, d’animer une émission autour du blues tous les samedis soirs, avec des invités qui racontent et jouent le blues en direct. L’émission, qui porte le nom de la chanson, durera 4 ans…

Une période prolifique

Période prolifique puisqu’il a droit à un disque Best of Guitar, les chevaliers de la guitare blues aux éditions Europe 1, un disque French Blues aux Éditions Atlas dans la série Génies du Jazz – Génies du Blues en 1993, et un livre sur Eric Clapton coécrit avec Jean-Émile Néaumet, biographie sous-titrée « Un gentleman guitariste » en 1994, sans oublier la rubrique qu’il tient pendant deux ans dans le trimestriel Soul Bag, la célèbre revue française.

Après la radio et la presse, c’est la télévision qui lui propose deux émissions, une sur la 5 et une sur Internet. La webTV Canal Web me contacte tout d’abord pour que je crée une émission avec Jean-Jacques Milteau, mais c’est finalement Patrick Verbeke qui présentera quelques numéros de l’émission Blues TV…

Bec-Vert, comme on le surnomme parfois, produit seul son 6e album Funky Français, qui paraît en 1996, mais malgré de très bons morceaux comme Funky Français, Si t’as mal, Delta Queen, Carte Blues, et une solide bande de musiciens (Basile Leroux, Jean-Jacques Milteau, Manu Millot, etc.), le disque ne se vend pas beaucoup. À noter que Patrick était déjà conscient des risques d’addiction à Internet dans la chanson Laisse parler ton cœur, et, pour la petite histoire, la chanson éponyme du disque a été écrite avec Mary-Ann Brandon dans les loges du Chesterfield Café…

Après six albums, il est temps de créer son propre label, Magic Blues, et un nouveau conte pour enfants, Willie & Louise, conte bluesical, qui sort en 1998 avec des dessins de l’harmoniciste Pascal Mikaélian.

Puis une sorte de compilation, Monsieur Blues, en 1999, comprenant aussi quelques inédits enregistrés à La Nouvelle-Orléans, Paris et Roubaix, ainsi qu’une nouvelle version de Monsieur Blues.

Le rêve américain

Avant de « basculer » dans le XXIe siècle, Patrick Verbeke s’offre un rêve : enregistrer aux États-Unis et même faire une apparition au festival de Lafayette en Louisiane. Finalisé en France, Y2K Blues paraît logiquement en 2000. Il est gorgé de blues, de country, de zydeco et de rock, avec des reprises en anglais de Chuck Berry, Carole King et Bob Dylan, et en français avec un hommage à son grand ami Luther Allison, décédé en 1997…

Au début des années 2000, il est président du jury du premier Tremplin Blues sur Seine et participe au projet collectif Autour du Blues, mené par Michael Jones et Denys Lable, avec une pléiade d’artistes qui chanteront leur amour du blues. Cela lui donne l’occasion de jouer et d’enregistrer avec Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel, Paul Personne, Chris Lancry, Beverly Jo Scott et bien d’autres…

Le feeling passe si bien que Patrick Verbeke demande au guitariste-arrangeur Denys Lable de participer à la réalisation artistique de son nouveau projet : un hommage à l’Acadie, qu’il prépare depuis sa participation à divers festivals dédiés à la musique cajun et zydeco en France, aux États-Unis et au Canada. Ces rencontres multiculturelles autour de la francophonie donnent naissance à l’album Échos d’Acadie, qui paraît en 2004. L’album est bien accueilli au Canada, mais passe un peu inaperçu en France. Dommage, car les musiques et les histoires racontées appellent à découvrir ce pays mystérieux et méconnu, qui compte environ 300 000 Acadiens répartis sur plusieurs provinces du Canada…

Une semaine au Jazz Club Lionel Hampton, ça se fête et ça s’enregistre. On y ajoute sept extraits magnifiques avec des invités américains de son émission sur Europe 1, et cela donne l’excellent double CD Capturé Live en 2005.

Mais ce début de XXIe siècle est difficile financièrement avec son label Magic Blues. Bravo quand même pour ce beau projet, Hexagone Blues vol. 1 — malheureusement sans suite — qui fera découvrir de nombreux jeunes artistes chantant le blues en français.

Et puis, dans sa vie privée, un divorce et une dépression.

Le temps de se ressourcer et de faire le point, c’est un de ses meilleurs disques, sinon le meilleur, qui voit le jour : une sorte de biographie musicale en 11 tableaux, retraçant sa vie depuis bébé jusqu’à ses voyages états-uniens, en passant par ses découvertes musicales, amoureuses, radiophoniques, ses groupes et ses galères. Bluesographie paraît en 2007 chez Dixiefrog, et c’est une réussite totale. Incontournable dans toute bonne discothèque de blues français…

Sur Bluesographie, il y a un clin d’œil à son fils Steve Verbeke avec le morceau Sonny Boy. C’est donc tout naturellement que son dernier disque est un duo père-fils, deux voix, une guitare et un harmonica, sous le titre La P’tite Ceinture, qui paraît en 2010 sur le prestigieux label Frémeaux & Associés, aux côtés des disques Français d’Amérique, Country Québec, le Belge Elmore D et son ami harmoniciste de la première heure, Benoît Blue Boy… La boucle est bouclée…

Enfin, en 2021, l’année de son décès, Dixiefrog publie une série de cinq disques en vinyle, dont Écho d’Acadie de Patrick Verbeke, aux côtés de Fred Chapellier, Pura Fé, Watermelon Slim et Popa Chubby.

Non, sa voix éraillée et son jeu de guitare, souvent en slide, ne vont pas nous manquer, car il nous reste ses disques et quelques vidéos en DVD ou sur le net…

« Monsieur Blues, salut l’ami, t’as décidé de prendre la tangente, j’peux pas t’oublier, j’ai qu’une idée : si t’as mal, le blues te fait du bien, alors de quoi j’vais m’plaindre… aujourd’hui… » – Mike Lécuyer

Discographie complète sur : Discogs – Patrick Verbeke
Dans nos archives, retrouvee aussi notre interview de Patrick Verbeke (Mai 2005)